À PROPOS DE 3 CONCERTOS POUR PIANO DE BARTÓK (5 NOV. 2024)
• ARTICLE DE MARC LAWTON PARU LE 3 FÉVRIER 2025 SUR LE SITE CULT NEWS
Au festival Trajectoires à Nantes, le chorégraphe Louis Barreau présente Trois concertos pour piano de Béla Bartók : « Je sais ce que je fais, mais je doute tout le temps »
« Grand moment musical et chorégraphique au théâtre Onyx à Saint-Herblain (44) le 18 janvier dernier : le public du festival Trajectoires a pu apprécier la pièce ambitieuse et réussie de Louis Barreau, Trois concertos pour piano de Bartók, pour 9 interprètes. Une ode à la joie de danser, une distribution de haut niveau, une scénographie intrigante et de superbes lumières.
Louis Barreau a fondé sa compagnie en 2014. La particularité de ce bel artiste de 31 ans, outre ses compétences en danse, chorégraphie et notation Laban, est sa passion pour la musique. Il l’a démontré dans son travail depuis le début où l’on a pu apprécier au fil des ans ses penchants pour Ravel, Bach, Stravinsky, Schubert et aujourd’hui Béla Bartók (1881-1945). Il développe un intérêt musicologique pour ces compositeurs, lit leurs partitions et crée toujours avec celles-ci à portée de la main. Quand cela est possible, il donne à entendre l’œuvre en direct, comme pour Montagne dorée (2019) où les Variations Goldberg de Bach étaient jouées par un pianiste sur scène. Mais le plus souvent, les musiques utilisées sont enregistrées. Il s’appuie ponctuellement sur des compositeurs contemporains comme l’américain Rhys Chattam* et sur du rock comme le groupe The Cure.
D’où tient-il cet amour pour la musique ? Principalement de sa mère, professeur de piano et de formation musicale : « Je ne peux pas vivre sans musique, nous dit-il en interview. Si je suis devenu danseur, c’est grâce à la musique ». Il sait partager cette passion avec son public, notamment grâce à une Petite conférence chorégraphique (2021), moment dansé et « carnet de création ouvert » où il décortique en présence d’une de ses danseuses (Marion David) des extraits de ses œuvres, les reliant à la musique qui les accompagne.
Bartók
Pour Bartók, Barreau a mis beaucoup de temps à choisir l’œuvre. Il était d’abord parti sur la Symphonie du Nouveau Monde, de Dvořák, « tarte à la crème absolue » à l’entendre, mais agacé par la façon dont le macronisme se saisissait de cette idée de « nouveau monde »**, il a décidé de changer : « J’ai pensé alors à Bartók et à sa célèbre Musique pour piano, percussions et célesta (1937) mais connaissais par ailleurs certains mouvements de certains de ses concertos pour piano. Faisant des recherches, j’ai vu qu’il n’y en avait que trois, qu’ils traversaient vingt ans de la vie du compositeur et qu’il était mort avant d’avoir pu orchestrer la fin du troisième. Réécoutant ces trois œuvres, j’ai trouvé ça très beau, très dense. J’imaginais les gens dire : ‘Non, pas les trois, c’est beaucoup trop long !’. Mais j’ai senti que c’était bon, alors j’ai fait les trois ! ».
Louis Barreau sait et aime parler de son travail : « Un concerto pour piano consiste en un dialogue entre instrument soliste et orchestre. Plutôt que de privilégier la forme solo face au groupe, j’ai eu l’idée de créer des ‘anniversaires’. En analysant les neuf mouvements de tous ces concertos, je savais que j’avais besoin pour chacun d’eux d’un traitement particulier pour chaque danseur. Ce traitement singulier de l’écriture n’est pas forcément un solo ; on traverse ainsi neuf ‘anniversaires’ au fur et à mesure du déroulement des mouvements. Tout est écrit sauf trois ou quatre moments d’improvisation structurée ».
La pièce dure une heure et vingt minutes, ce qui est long pour les danseurs et pour certains spectateurs. Barreau a créé une seule pause, un silence à la fin du troisième mouvement du deuxième concerto, donc un peu après le milieu, « au moment du nombre d’or » précise-t-il. Dans une pénombre, les danseurs se regroupent à cour, presque dans un temps de recueillement. « Enchaîner ainsi les trois concertos est un choix assez radical, poursuit-il, d’autant que le public et même les mélomanes ne connaissent pas ces oeuvres, à part le troisième concerto (1945), le plus connu et le plus mozartien dans la forme. Les raisons en sont que très peu de pianistes acceptent de les jouer à la suite, que cela serait lourd en logistique (besoin d’un orchestre de quatre-vingt-dix musiciens, d’un piano à queue et d’un grand plateau de danse) et que cela coûterait extrêmement cher. Le deuxième (1930-31) est le plus complexe des trois, celui que le public américain jugeait ‘barbare’. J’ai adoré quant à moi travailler sur cette complexité, tentant de la retrouver dans mon écriture ». On peut objecter à cette affirmation que la chorégraphie donnée à voir semble au contraire d’une simplicité très lisible : « Je trouve heureux que cela ne semble pas complexe, précise Barreau, mon souci étant de défendre l’accessibilité à ce que je fais, de manière non démagogique ».
Un distribution étincelante
« Pour la distribution, j’ai repris trois danseurs avec qui j’avais déjà travaillé, dont Marion David, deux que je connaissais de La Roche s/Yon, et pour les autres, une audition de deux jours au Cndc d’Angers m’a permis d’en recruter quatre parmi quinze candidat.e.s. Je leur ai fait travailler une création. Là, je me suis appuyé sur du Bach, une partition que j’utilise fréquemment dans mes actions culturelles ».
Neuf interprètes sont donc en jeu. Mais on peut déceler une dixième présence sur le plateau, une régisseuse, dont le travail consiste à faire monter et descendre, en fond de scène devant le grand rideau en tissu lamé mordoré, une série de poids – que Barreau nomme pendules – suspendus au bout de filins et oscillants. Leur manège qui va croissant intrigue et offre un contrepoint étrange à la danse qui se déroule sur scène.La scénographie est signée Andréa Warzee et, dans la dernière partie, un de ces poids, adroitement manié, viendra percuter l’immense rideau en son centre, créant une onde de choc géante sur le tissu. Souligné par les lumières subtiles de Françoise Michel pour qui c’est la cinquième création avec Barreau – on a été sensible à ces douches lumineuses oranges et vertes venant iriser le plateau -, ce moment heureux final saisit visuellement le spectateur, comme si l’explosion d’un soleil avait lieu tandis qu’un arc-en-ciel illumine la scène et que les danseurs en joie sautent un peu partout.
Il est ardu de tenter de traduire l’élan de cette pièce tant elle est riche et fait preuve d’une invention constante. Cette aventure autant musicale que chorégraphique, abstraite, longue et passionnante, commence par la chute spectaculaire d’un écran de tulle noir qui faisait barrage entre scène et public : nous sommes alors immergés dans le premier des trois concertos (1926) et dans cette musique si particulière de Bartók. Ce qui la caractérise est son mélange de composition savante et de folklore, son usage des percussions et, ici le traitement réservé à l’instrument soliste (le compositeur était un excellent pianiste). On connait son affection pour le la musique vernaculaire de son pays : ethnomusicologue, il écumait avec Zoltan Kodaly les campagnes hongroises, roumaines, slovaques et plus lointaines pour noter des milliers de mélodies, s’appuyant sur des mesures souvent impaires ; il sauva ainsi un précieux patrimoine et le réutilisa par la suite dans ses œuvres : « Opposé à toute idée de pureté culturelle, indique Barreau dans la feuille de salle, il relie dans ses œuvres l’héritage de l’Orient à celui de l’Occident avec une modernité inédite ».
Un compositeur humaniste, un chorégraphe inspiré
Le défi était de taille et le chorégraphe l’a relevé. Citons de manière un peu exhaustive sa note pertinente donnée à lire au public : « La danse veut ici rendre hommage à l’inspirante humanité de Bartók et à sa musique : aussi libre, révolutionnaire et fédératrice que la joie, aussi déchirante que les fureurs du monde, aussi éclatante et indignée que les cris pour la paix, mélancolique ou exaltée comme un air populaire lointain, poétique comme le silence inouï de la nuit, ardente toujours comme l’astre solaire qui jamais ne finit d’éclairer ». Autre phénomène palpable ; la sensation d’un temps tantôt dilaté, tantôt compressé : « Il y a une éternité dans la musique de Bartók, explique Barreau, qui interroge structurellement le rapport au temps, notamment dans l’utilisation de fugues et de canons. Sommes-nous avant le maintenant, pendant ou après ? Il est toujours dans une logique de rupture, un peu comme Stravinsky », explique-t-il en interview. Dans son portrait filmé***, Barreau poursuit : « Le rapport au temps est complètement bouleversé et la création (chorégraphique) le change (elle aussi) ». De son côté, la scénographe signale renchérit : « Ces douze pendules marquent le temps, le mouvement. On avait envie de donner un indice au spectateur sur le temps qui passe ».
Malgré sa longueur et sa quasi absence de pauses, la pièce tient la distance : « Au fil des neuf mouvements, poursuit Barreau, on navigue d’intimes musiques nocturnes en danses jubilatoires et on est transformés par la musique comme par la lumière ». Il avoue avoir beaucoup travaillé en amont : « Seul à la table avec les partitions (à les étudier), j’ai passé en équivalent de journées de huit heures un mois et demi (à l’ouvrage), mais je n’avais jamais éprouvé autant de plaisir ». Celles-ci sont annotées à chaque page et le chorégraphe semble les connaître par cœur.
Pour revenir à la danse, les mouvements lents sont des moments de grande douceur (ralentis, descentes au sol), les rapides deviennent prétexte à des courses, des diagonales parfois humoristiques, des files indiennes, des explosions de mouvement (grands sauts, vrilles) où le niveau technique des jeunes danseurs excelle, sans ostentation : « Les trois concertos éblouissent, affirme encore Barreau : radicalité percussive et virtuosité, ruptures, ferveur et humour, insurrection et délicatesse, chants d’oiseaux et bruits du progrès, réminiscences folkloriques, citations de Bach, Beethoven ou Stravinsky, interdépendance entre la force d’enracinement de la terre et le ciel ». Le vocabulaire limpide, puisant dans la gestuelle de son propre corps ou dans celle de ses danseurs, se marie fort bien à ce programme, et le contenu abstrait de ses pièces est revendiqué. Citant Dominique Bagouet, le chorégraphe rappelle : « Le geste est expressif au-delà de toute intention ». Lorsqu’il parle de son travail, il estime « croiser l’abstraction formelle et mathématique avec la vitalité musicale du mouvement ».
L’écriture spatiale de Barreau est splendide, généreuse et contrastée et il émaille sa pièce de moments en solos bienvenus, certains se développant sur une veine sensuelle. Cette composition permet de rivaliser avec l’écriture de Bartók, souvent complexe mais toujours audible, restituée ici dans l’ordre par les enregistrements du Chicago Symphony Orchestra (2023 et 1977) et du Helsinki Philharmonic Orchestra (2020). Dans le dernier tableau, les danseurs sont tous vêtus de noir. Même si le troisième concerto est de facture plus classique, le compositeur l’a écrit l’année de sa mort : « Il est constellé d’explosions de vie, précise Barreau, et, en filigrane, d’une conscience profonde de la mort imminente ».
On sait que Bartók décida de s’exiler en 1940 aux Etats-Unis où il fut plus ou moins honoré, mais en rupture profonde et malheureux. Il mourut cinq ans plus tard à 64 ans, vaincu par la leucémie. Il s’était opposé dès 1937 au régime de Horthy en Hongrie, qui avait rallié les nazis.
« Ma véritable idée directrice, disait-il en 1931, c’est la fraternisation des peuples malgré toutes les guerres et tous les conflits ». Cette phrase, énoncée au siècle dernier au début d’une décennie tourmentée par la montée des totalitarismes, est on ne peut plus d’actualité aujourd’hui.
Louis Barreau — Parcours
Louis Barreau grandit en Vendée et, à partir de 10 ans, fréquente le conservatoire de La Roche s/Yon/CRD où il suivra trois cursus. Il se concentre sur la musique (accordéon de concert) et le théâtre. Il y poursuit sa pratique de la danse commencée jeune, mais doit interrompre momentanément sa formation suite à un accident au talon. Encouragé par ses professeurs Dominique Petit et Bernadette Gaillard (qui est devenue récemment son assistante), il reprend la danse et arrête le théâtre : il dit avoir été « rappelé par la danse ». Un facteur y a contribué : l’option de spécialité du lycée Mendès-France qu’il a suivie, portée à l’époque par l’enseignante Catherine Moreau.
Londres et Paris 8
Encouragé à tenter d’entrer au Trinity Laban Conservatoire of music and dance à Londres, Louis Barreau est pris et y restera trois années, obtenant son B.A. (bachelor of arts) en 2014. Il y fréquente des chorégraphes britanniques célèbres comme Lea Anderson, hélas trop peu connus en France. Il pratique les techniques Graham et Cunningham, ainsi que la Release technique****. De retour en France, il suit un cursus de recherche en danse à l’université Paris 8 sur le conseil de Mahalia Lasibille, anthropologue et maître de conférences, et obtient son master en 2016. Son mémoire, rédigé sous la direction de Julie Perrin, s’intitule Décrire, percevoir et pratiquer la composition chorégraphique : « Je n’en parle jamais et ne l’ai pas relu. Si je le relisais, je le redécouvrirais. Mais ce que mon corps a traversé m’influence. L’expérience est là ».
Barreau quitte ensuite Paris et s’installe à Nantes. Il commence alors à créer autour du Boléro de Ravel. La version en trio qu’il imaginait constituait déjà l’objet de la deuxième partie de son mémoire : « J’étais obsédé à l’époque par le désir au sens deleuzien, le désir comme moyen de composition et à l’opposé de ce que disent les Freudiens ». Il enchaîne ensuite par Bach avec Montagne dorée et deux Cantates (2020 et 2023) et passera par le Sacre du printemps de Stravinsky (2021) et la sonate Arpeggione de Schubert (2022) avant de se focaliser sur le compositeur hongrois Béla Bartók.
Dix ans de compagnie
La compagnie Louis Barreau s’est produite à Paris et en Ile-de-France et est à présent bien repérée en Pays de la Loire et dans les régions voisines. Son nom circule, sa visibilité s’accroit et le Théâtre de St Nazaire – scène nationale – en a fait son artiste associé entre 2022 et 2024 (deux saisons). Il est également artiste compagnon sur la saison 2O24-25 dans deux autres structures labellisées : le Manège de Reims et le Moulin du Roc à Niort.
Barreau avait donc envie d’une grande pièce, mais projeter une chorégraphie pour autant de danseurs est une véritable prise de risque : « Une pièce comme celle-ci coûte 250 000 € et les apports de coproducteurs ne suffisent pas. On a investi de l’argent et on s’est endettés ». Trois concertos pour piano de Bartók a été dansée six fois pour l’instant. Le retour des professionnels a été très positif. Souhaitons-lui de trouver une vraie diffusion pour cette belle pièce, malgré le contexte actuel morose. Cela est particulièrement vrai en région Pays de la Loire, où le chorégraphe est implanté. Ce territoire a attiré une forte attention depuis plusieurs semaines, car le conseil régional et sa présidente ont jugé bon, en décembre dernier, d’y procéder à des coupes sombres dans le financement de la culture. Après des décennies de soutien, l’ensemble des équipes artistiques du territoire se sont vues privées de toute subvention régionale dès 2025. La compagnie Louis Barreau se voit ainsi amputée de 10% de son budget. Heureusement, elle est aidée par les prêts d’une structure publique, le Crédit municipal de Nantes.
Résidences
Pour le travail de création sur Trois concertos pour piano de Bartók, la compagnie a été accueillie en résidence au Ballet de l’opéra national du Rhin (CCN de Mulhouse), au Ballet du Nord (CCN de Roubaix), au Grand R (scène nationale de La Roche s/Yon), au théâtre Onyx (SCIN de Saint-Herblain), au CCN de Nantes, au Manège (scène nationale de Reims) et au 783 (Nantes). On est loin de ses débuts où, pour son premier solo, Barreau s’était fait connaître par le réseau des Petits Scènes Ouvertes, puis par Paris Réseau Danse. Il a également été accompagné pendant quatre ans par le Réseau Tremplin, interrégional Bretagne – Normandie – Pays de la Loire.
Signalons également son dispositif 100 cœurs 4 saisons (pour une centaine de danseurs amateurs). Alma Petit, professeur de danse contemporaine au conservatoire de Saint-Nazaire/CRD, y a participé en mai 2023 : « Ce projet est extraordinaire, affirme-t-elle, on peut être ensemble et goûter à la puissance de l’art et à ce que cela transforme en nous, c’est essentiel à l’heure actuelle ».
Le prochain projet de Louis Barreau pour fin 2026 sera un quintette et s’attachera au quatuor à cordes romantique. Il s’appuie sur deux œuvres : une de Beethoven, l’autre de Fanny Mendelssohn, compositrice méconnue et sœur de Félix, méritant amplement une réhabilitation. La musique sera jouée en direct. »
* Compositeur et guitariste américain proche des minimalistes et célèbre pour ses performances avec la danseuse Karole Armitage dans les années 1980.
** Un exemple ; sur une idée du président de la république, un dispositif de soutien du ministère de la Culture initié en 2022 s’intitule Mondes nouveaux.
*** La vidéo d’Antoine Tribotté Portrait d’un chorégraphe : Louis Barreau(2025) de 26 min est visible sur le site internet de la compagnie www.compagniedanselouisbarreau.fr
**** Skinner Release Technique ou SRT : approche somatique du corps dansant inventée par l’américaine Joan Skinner à la fin des années 1960.
• ARTICLE DE DELPHINE BAFFOUR PARU LE 10 NOVEMBRE 2024 SUR LE SITE DU JOURNAL LA TERRASSE
Poursuivant sa recherche autour des relations entre musique et danse, Louis Barreau crée le lumineux 3 concertos pour piano de Bartók en ouverture du festival Born to be a live.
« Féru de musique et de composition chorégraphique — il obtint le prix d’excellence en composition chorégraphique au Trinity Laban Conservatoire of Music and Dance de Londres — Louis Barreau creuse de pièce en pièce, depuis 2014, le sillon qui relie ces deux arts. Dans sa nouvelle création il s’attelle aux trois concertos pour piano écrits par le compositeur hongrois Béla Bartók : œuvres de maturité illustrant toute la modernité, mêlant folklore et innovation, populaire et savant, du compositeur pour les deux premières, œuvre ultime imaginée en exil aux Etats-Unis, alors qu’il souffrait déjà de la leucémie qui l’emportera, pour la troisième.
Une réponse joyeuse à la complexité des compositions de Bartók
« Ma véritable idée directrice, c’est la fraternisation des peuples malgré toutes les guerres et tous les conflits. » Bartók (1931). Neuf danseurs et danseuses entrent sur un plateau totalement dépouillé que seuls agrémentent une tenture mordorée en fond de scène et de nombreux marquages au sol. Ils marchent d’avant en arrière, s’engagent dans une course folle, alternent mouvements chorals à l’unisson et échappées individuelles. Leur danse est élégante, académique. Leurs attitudes sont hautes et leurs sauts virtuoses. Ils poussent de petits cris de jubilation puis un grand cri qui marque la fin de la première séquence, du premier concerto. Alors que les lumières se réchauffent les gestes s’arrondissent, se déhanchent, l’ensemble se déstructure. Des couples se forment, des étreintes se modèlent, les corps swinguent, une ronde se construit. Pour le troisième concerto, les lumières et les costumes s’assombrissent, marches et courses s’établissent de jardin à cour, se rembobinent, les gestes ralentissent, se décomposent. Puis la tenture de fond de scène se teinte d’un arc-en-ciel dont se détachent des silhouettes noires, avant qu’une explosion jubilatoire d’une multitude de sauts n’éclate devant un astre d’or. Répondant aux superbes concertos de Bartók par des compositions chorégraphiques complexes qui, comme la musique, évoquent tour à tour danse savante, populaire, classique ou contemporaine, Louis Barreau prend soin de teinter chacun des concertos d’une émotion, d’une couleur différentes. La joie de danser, qu’expriment des interprètes impeccables qui se regardent et se sourient sans cesse, illumine et relie l’ensemble. »
À PROPOS DE LA SÉRIE CANTATES / VOLETS 1 + 2 (2021 et 2023)
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE MARIE GODFRIN-GUIDICELLI (À PROPOS DE LA SÉRIE CANTATES) PARU LE 24 SEPTEMBRE 2024 SUR LE SITE OUVERT AUX PUBLIC, SPECTACLE VIVANT ET DÉCOUVERTES CULTURELLES EN PACA
Une constellation de talents
« Du 18 au 22 septembre, le festival Constellations a embrasé Toulon et Hyères de propositions artistiques intergénérationnelles et singulières.
Frank Micheletti, grand ordonnateur du festival depuis 14 ans, pose la question « Qu’est-ce-que danser ? » et esquisse une réponse à travers sa propre pratique de danseur-chorégraphe-Dj, et son festival : « Cela reste très ouvert. Ici, les corps dansant se teintent d’implications multiples se laissant traverser par des réalités plurielles ». Et s’autorise même cette année à faire deux pas de côté à sa ligne éditoriale axée sur la performance, l’expérimentation, l’émergence de pratiques nouvelles, la découverte.
Dès l’ouverture à Toulon, il invite sur le grand plateau du Liberté la compagnie danse louis barreau fondée en 2014 à Nantes qui œuvre au « dialogue structurel entre la danse et la musique ». Magnifique exemple avec le programme CANTATE / 1 et CANTATE / 2 dansé en duo et en solo sur les compositions de Bach avec, comme point de repère tracé au sol, une rosace. Dans un continuum d’élans, de pas coursés, de mouvements métronomiques, de déplacements quasi mathématiques, de tracés sinueux, Thomas Regnier, Louis Barreau et Marion David éprouvent physiquement et émotionnellement les intensités de la musique. Jusqu’à l’ivresse de la répétition, entre déclinaisons et contrepoints, dans une complémentarité — pour le duo — malicieuse. Une rigueur formelle qui puise sa source dans le répertoire de Dominique Bagouet ou de Merce Cunningham pour atteindre une abstraction réjouissante. »
• ARTICLE DE PHILIPPE VERRIÈLE (À PROPOS DE CANTATE / 2) PARU EN MARS 2024 SUR LE SITE DANSER CANAL HISTORIQUE
Séquence Danse au Centquatre : les coups de cœur de Transfuge
« Singulière démarche, truffée de références et d’une jubilatoire finesse, que ce qui dépasse largement une simple mise en danse de Bach. Avec quelque chose d’une profondeur très Post-modern !
A voir marcher d’un pas régulier, immuable, visage impassible, obstinément en rond, autour d’une rosace dessinée au sol, les deux interprètes, Thomas Regnier — impeccable — et le chorégraphe lui-même de ce CANTATE / 2, quelque chose plane d’Andy De Groat (la partie centrale de Swan Lake, 1982), si ce n’est qu’il s’agissait d’un trio et qu’au fracas du chorégraphe américain le jeune français a préféré le silence. C’est aussi agaçant dans le second cas que dans le premier, et le but est atteint pareillement dans le déceptif. Les spectateurs de De Groat attendaient Tchaïkovsky et affrontaient Talking Head, ceux de Barreau attendent Bach et n’entendent rien… La pièce commence ainsi, et comme ça dure, ça crispe… Mais le projet tient dans cette crispation qui se lève, comme une soudaine libération, dès que la musique du Cantor de Leipzig (Bach a quand même occupé le poste 27 ans, vu sa productivité, c’est une donnée) commence.
Car le projet de Louis Barreau tient dans ces deux éléments, une phénoménologie de l’écoute (une manière de répondre à un “qu’est-ce que je vois dans ce que j’écoute ?”) et la confrontation avec un corpus qui provoque le vertige et partant, déstabilise.
CANTATE / 2 relève d’un projet à la Perec (La Tentative d’épuisement d’un lieu Parisien publié en 1975 tente de “tout” dire par l’écriture de la Place Saint-Sulpice). Louis Barreau, lui, a choisi Bach. Il explique : “Mon intention est bel et bien de poursuivre la construction de cette série chorégraphique « jusqu’à la fin de ma carrière », c’est-à-dire, en d’autres termes, jusqu’à ce que j’arrête de faire ce métier — si tant est que cela arrive un jour —, ou, plus mélodramatiquement, jusqu’à ce que « mort s’en suive » ! L’idée est de concevoir une nouvelle cantate tous les trois à quatre ans environ, plus ou moins en fonction de l’activité et des autres créations en parallèle. CANTATE / 3 ne sera pas la prochaine création, il y en aura une autre avant, en-dehors de la série, puis on fera probablement ce troisième épisode…” Projet fou, (il y a plus 224 cantates conservées, plus une soixantaines de cantates profanes !) mais bien dans l’esprit “post-modern” d’une œuvre concept où la démarche a autant de valeur que l’œuvre présentée. Le spectateur face à CANTATE / 2 y voit la façon dont le chorégraphe induit l’écoute, mais s’il connaît le projet, cherche comment, sur la durée, la composition pourra se renouveler sans se redire (un côté “c’est fait !”).
Quand la marche amène soudain Louis Barreau au centre de la rosace, la danse s’impose. Elle va suivre les parties de la cantate et épouser son alacrité. Composée pour le premier dimanche de l’Avent, la partition offre un chœur d’une exaltation certaine que la danse traite avec un humour distancié très fin et pince sans rire. La chorégraphie joue aussi des reprises et redites que Bach utilise avec génie (un genre de cut off — le système de collage de l’écrivain William S. Burroughs — imposé par le rythme des commandes de l’office luthérien à Leipzig !). Les patterns gestuels, structurés entre eux reviennent, se combinent avec une fluidité qui vaut référence à Lucinda Childs. Mais, au détour fugace d’un relevé sur demi-pointe coupé derrière, d’une quatrième préparation d’un demi-tour en arabesque, d’une cinquième entre-aperçue, Louis Barreau joue aussi avec la taxonomie académique, fouillant dans la relation à cette partition au cœur du corpus de la musique “baroque” quelque chose de notre “classique”… Très post-modern décidément d’autant que cette forme “sous contrainte” s’en joue avec distance, en particulier dans les arias du ténor, incarnées par chaque danseur, qui, de coups de tête appuyés en lancés de bras, personnifient la composition chorégraphique qui sans être contrapuntique comme celle de Bach, suit néanmoins des règles strictes d’entremêlement des voies (voix) du mouvement.
Cela pourrait tomber dans une certaine affectation si le choix de l’enregistrement ne conduisait à “entendre” la danse différemment. Louis Barreau, pour être le fils caché d’Andy De Groat et de Lucinda Childs, ne cache pas sa dette artistique à la Jeune Danse des 90’… Avec une jolie auto-dérision, il avoue volontiers être né beaucoup trop tard et être un vrai chorégraphe des années 1980. Ici, le travail sur l’écoute à travers la danse rappelle celui qu’Odile Duboc avait mené dans Trois Boléros (1996), le choix de l’enregistrement étant un composant essentiel de l’expérience de vision… Ici, la très singulière conception de Christoph Spering avec le Chorus Musicus Köln et Das Neue Orchester, enregistré en 2016 donne une profondeur étonnante, jouant de réverbérations quasi spectrales presque inquiétantes. Et quand vers la fin, après le dernier récitatif, les deux danseurs passent au sol, avec une justesse dramaturgique confondante, la lumière bascule pour “ouvrir” deux espaces en fond de scène (évidemment, c’est une mise en lumière de l’imparable Françoise Michel) et un doute sur cette joie légère ressentie au début s’instille. La distance post-modern cache toujours quelque chose de l’angoisse du gouffre…
En espérant que Louis Barreau puisse cependant proposer, un jour, CANTATE / 30… Ambitieux, non ? »
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE THOMAS HAHN (À PROPOS DE CANTATE / 2) PARU LE 20/03/24 SUR LE SITE TRANSFUGE
Séquence Danse au Centquatre : les coups de cœur de Transfuge
« Le Centquatre-Paris cache bien des choses, tout en offrant un espace d’entraînement en public aux jeunes accros de danses urbaines. Tant d’énergie joyeuse, dans un lieu où jadis on fabriquait les cercueils… Et à l’intérieur des bâtiments, à l’étage (le Centquatre est ici en partenariat avec Danse à tous les étages), on passe devant les ateliers d’artistes pour se retrouver dans la petite salle, où Louis Barreau a dessiné au sol une rosace qu’il complète sous nos yeux, avec son partenaire de scène, Thomas Regnier. À partir de la symétrie de la rosace, tout est parfait dans ce CANTATE / 2, de la cantate de Bach et de son dialogue avec la musique électronique de Sarah Davachi à l’harmonie des gestes. On pense, inévitablement, à Rosas, la compagnie d’Anne Teresa de Keersmaeker. Et le duo Barreau/Regnier paraît alors particulièrement dévoué à la structure, les bras rappelant parfois le grand compas du début avec lequel les deux entouraient le feuillage symbolique et géométrique de la rosace. Dans les gestes des deux et la relation entre eux, on décèle parfois une pointe d’ironie ou s’amorce une facétie, remettant en cause l’ordre céleste de Bach. Mais on est loin de faire trembler l’édifice baroque. »
• ARTICLE DE VÉRONIQUE BOUDIER (À PROPOS DE CANTATE / 1) PARU LE 18/04/21 SUR LE SITE ÔLYRIX
Cantate lyrique et chorégraphique à Rennes
« À l’initiative de l’Opéra de Rennes, Le Triangle (Cité de la danse) accueille une résidence de recherche artistique à objectif pédagogique, réunissant le chorégraphe Louis Barreau, la danseuse Marion David, le chanteur et chef d’orchestre Damien Guillon ainsi que des musiciens du Banquet Céleste et des étudiants de la classe de chant lyrique du Pont Supérieur :
Après une collaboration avec le danseur Aurélien Oudot pour Dreams en novembre dernier, le chanteur et chef d’orchestre Damien Guillon renouvelle l’expérience d’une rencontre vivante entre la musique et la danse, cette fois-ci avec le chorégraphe Louis Barreau. Cette rencontre, sous forme de résidence de recherche a été impulsée par le directeur de l’Opéra de Rennes, Matthieu Rietzler, et permet ainsi aux artistes, durant cette période de crise sanitaire, de se rencontrer, de travailler, de s’enrichir par le partage de compétences et de transmettre également leur savoir.
Louis Barreau, jeune chorégraphe nantais, s’intéresse à la musique de Jean-Sébastien Bach et plus particulièrement aux cantates. Sa pièce CANTATE / 1 (créé le 18 janvier 2020 au musée de Nantes) est le premier volet d’une série chorégraphique sur les cantates de Bach qu’il s’engage à développer jusqu’à la fin de sa carrière. Le questionnement de cet artiste à forte sensibilité musicale consiste à déployer ces cantates, de leur présence sonore vers le corps dansant, devenant un passeur entre musique et spectateur. Il a donc trouvé son partenaire pour une démarche au plus proche de l’esthétique de Bach en Damien Guillon et son Ensemble Le Banquet Céleste (qui interprétaient récemment les Oratorios de Pâques et de l’Ascension en l’église Saint-germain de Rennes).
Pendant quatre jours s’est donc tenu au Triangle (Cité de la danse à Rennes) un travail de recherche et de partage afin de proposer une correspondance musicale et chorégraphique sur la Cantate BWV 61 « Nun komm, der Heiden Heiland » (Viens maintenant, Sauveur des païens). Écrite en 1714 à Weimar, cette cantate s’ouvre par une ouverture/choral à l’écriture dite « à la française » (lent, rapide, lent) dont le rythme se révèle propice à la chorégraphie. La danseuse Marion David, seule, engage le mouvement en silence, s’attache à suivre la musique qui s’élève par une danse épurée et mesurée, marquant par des changements d’orientation les lignes structurantes de la musique.
Peu à peu, le corps établit un lien avec les musiciens du Banquet Céleste, le chef et les chanteurs, pour tous rentrer à l’unisson dans la temporalité incarnée de l’instant présent. Les instrumentistes sont toujours autant à l’aise dans ce répertoire par leur écoute du soliste lors des dialogues chant/instrument (comme par exemple le violoncelle avec la voix de soprano). Mais ici, ils sont également à l’écoute de la danseuse puisque c’est elle qui « mène la danse », tout autant que le chef d’orchestre donnant certains départs. Ils sont aussi une présence vitale et charnelle pour cette chorégraphie sur une musique vivante et non pas pré-enregistrée.
Participent également à ce projet les étudiants chanteurs du Pont Supérieur issus de la classe de chant lyrique de Stéphanie d’Oustrac et d’Olga Pitarch. Les huit chanteurs lyriques abordent dans leur cursus différents styles et différentes esthétiques musicales mais sans être spécialisés en chant baroque. Pendant ces trois jours, ils reconnaissent avoir beaucoup de chance de travailler avec Damien Guillon et ses musiciens mais aussi de découvrir l’univers de la danse, et des liens possibles entre ces deux arts.
Attentifs aux gestes du chef d’orchestre et de la danseuse, précis dans leurs interventions, ils mettent en évidence les inflexions du texte et de la phrase musicale pour la rendre expressive et compréhensive. L’ensemble a également un horizon de travail et d’amélioration tout tracé, qui consistera à renforcer l’homogénéité, notamment des graves. »
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE THOMAS HAHN (À PROPOS DE CANTATE / 1) PARU LE 18/01/20 SUR LE SITE DANSERCANALHISTORIQUE
Festival Trajectoires : Libertés chorégraphiques à Nantes
Au musée, avec Bach et Barreau
« C’est une belle histoire de liberté(s) aussi que de pouvoir faire surgir la danse contemporaine dans les salles d’un musée d’art. Celui de Nantes, magnifiquement restauré et rouvert en 2017 après six ans de travaux, a accueilli plusieurs solos présentés en résonance avec les tableaux et sculptures des collections permanentes. La danse de Marion David dans CANTATE / 1, une chorégraphie de Louis Barreau sur la Cantate Nun komm, der Heiden Heiland est pourtant très mesurée. Avant que la danseuse arpente la salle, passant quelquefois entre deux sculptures du 19ème siècle (Alfred Jacquemart, Jean-Léon Gérôme), elle arpente le sol, au sens concret, en compagnie du chorégraphe, fixant quelques repères à partir d’un point central.
Épure, rigueur et sentiments, comme pour croiser la joie de la danse baroque avec la précision d’une Anne Teresa de Keersmaeker. Ce qui se joue là est tout un bal, dansé par une seule personne, où parfois un partenaire invisible semble la rejoindre. Une danse avec l’art, en somme. Louis Barreau la proposera pour des lieux chargés d’histoire mais aussi pour la scène, et construira une série de Cantates. Celle-ci, la première, a donc été inaugurée avec succès et avec elle le projet entier, dans le cadre de Trajectoires 2020. Un beau vernissage chorégraphique, où le geste de l’interprète relie l’ici-et-maintenant aux strates du temps qui nous ont précédé et nous ont laissé tant d’œuvres. Pour Barreau, la rigueur formelle de cette danse ouvre « des portes et des fenêtres qui n’auront comme intérêt final que de nous accompagner, avec le spectateur, vers davantage de liberté et de détachement. «
À PROPOS DU SACRE DU PRINTEMPS (2021)
• ARTICLE DE NATHALIE YOKEL PARU LE 23/04/2022 DANS LE JOURNAL LA TERRASSE (N°299)
Théâtre de Châtillon / Chorégraphie Louis Barreau
« Louis Barreau a fait « son Sacre » quand les théâtres étaient fermés. Il est urgent de le (re)découvrir, dans une démarche toujours tournée vers la musique.
Il est toujours passionnant de voir comment les chorégraphes s’emparent du chef-d’œuvre de Stravinsky, la plus puissante composition musicale du début du XXème siècle, et de sa déflagration chorégraphique signée Nijinski. Louis Barreau a, dès le début de son parcours, affirmé la proximité de sa démarche avec la dimension musicale, commençant par la boucle du Boléro de Ravel. C’est aussi dans l’abstraction qu’il compose sa danse, par l’intermédiaire de cinq interprètes qu’il immerge dans la partition du Sacre. L’espace et la rythmique viennent se croiser dans des entrelacs de relations que la marche vient inexorablement réinterroger. Le cycle de la danse rejoint en filigrane le cycle des saisons voulu par le livret d’origine, et laisse la chorégraphie tout à son analyse partitionnelle, stricte et complexe. »
• ARTICLE DE PATRICK THIBAULT PARU EN FÉVRIER 2022 DANS LE MAGAZINE WIK NANTES SAINT-NAZAIRE
MUSIQUE et danse !
« Nouvel artiste associé du Théâtre, Louis Barreau est un jeune chorégraphe brillant. Sa force, c’est de réussir à faire dialoguer danse et musique. Il dit : “Je cherche à donner à voir la musique dans l’espace-temps, par l’intermédiaire du corps en mouvement” et il y parvient. Après avoir travaillé autour du Boléro de Ravel et sur les Cantates de Bach, il s’est attaqué au Sacre du Printemps. L’intense musique de Stravinsky résonne en chacun de nous et c’est Nijinsky qui en a signé la première chorégraphie. Un défi qu’il relève magistralement. Portés par la musique et une chorégraphie inspirée, les cinq danseurs sont tous présents du début à la fin. On salue, la technique, la précision et l’émotion qui s’en dégagent. Louis Barreau tire les fils musicaux, gestuels, relationnels… C’est magnifique et profond, on en ressort gonflé d’énergie. »
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE PHILIPPE VERRIÈLE PARU EN FÉVRIER 2021 SUR LE SITE DANSERCANALHISTORIQUE
« Le Sacre du Printemps » de Louis Barreau
“Pour bien connaître, je crois, Le Sacre du printemps comme forme chorégraphique pour en avoir vu -littéralement- des dizaines de versions (Louis Cyr, le fameux musicologue canadien, venu voir l’exposition que j’avais organisée pour les Hivernales m’avait alors confié qu’il en existait, déjà, près de 400) je n’ai pas encore résolu un mystère. Or, voir le Sacre de Louis Barreau, au Quatrain de Haute-Goulaine dans le cadre des rencontres pro qui suppléent l’annulation du festival Trajectoires, donne un début de réponse.
[…]
Ce jeune chorégraphe, qui en est à sa sixième création, toutes profondément ancrées dans un rapport analytique à la musique, proposait un Sacre. C’est normal. Le Sacre du printemps est une affaire de jeunes (Nijinski avait 24 ans, Maurice Béjart, 32, Pina Bausch 35 quand ils ont chorégraphié le leur). Martha Graham est quasiment la seule qui conclut pratiquement sa carrière par un Sacre composé à l’âge de 90 ans.
Donc Louis Barreau a l’âge du Sacre et le sien appartient à la catégorie des analytiques gonflés ! Comme celui de Daniel Léveillé (1982) pour lequel quatre danseurs à « oilpé » sautent comme des damnés dans une agitation frénétique inspirée au chorégraphe canadien par celle des grands magasins la veille de Noël…
Donc chez Louis Barreau, aucune scénographie sinon une trace de maquillage étrange et bleue sur chacun des cinq interprètes affutés comme des rasoirs, en tenues de ville. Ils entrent résolus ; se campent le long de la rampe, face au public qu’ils toisent, plus comme on juge d’un obstacle que par défi. Toujours en silence, ils engagent le mouvement. Et la musique s’élève qu’ils s’attachent scrupuleusement à suivre, marquant de légers changements d’orientation les multiples imbrications des thèmes, rendant visible les multiples couches de la partition qui s’entremêlent. Ils enchaînent les figures avec une fluidité qui parait n’obéir qu’aux seules inflexions de la musique. Le chorégraphe explique : « Pour chaque partie, j’ai pris le temps d’établir des « structures de composition », plus ou moins « vierges », faites d’éléments par exemple spatiaux, relationnels ou temporels », précisant « En fonction des parties, ces “structures de composition“ étaient plus ou moins précises, plus ou moins réglées, parfois extrêmement détaillées, parfois vagues. Elles constituaient le squelette, la grille de base à partir de laquelle nous commencions la composition […] au plateau. » Et ce travail ne s’entoure d’aucun artifice, d’aucun prétexte ou faux-semblant dramaturgique, donnant à voir le fonctionnement de la musique depuis l’intérieur du corps des danseurs et sans encombrer d’un quelconque « drama » extérieur à la dynamique de la partition propre. Avec ce paradoxe que ce n’est pas la partition que fait voir la chorégraphie, mais l’interprétation — ici celle très engagée et lyrique de Valery Gergiev — au point que les silences que marque le chef sont scrupuleusement composés par le chorégraphe.
Dans le fond, Louis Barreau me semble traiter le Sacre comme Odile Duboc avait traité le Boléro (Trois Boléros ; 1996), dans un genre de phénoménologie de l’écoute. Le chorégraphe le reconnaît : “nous travaillons énormément avec les danseurs le lien entre la structure musicale mathématique avec laquelle ils sont plus ou moins reliés et ce qu’ils entendent, ce qu’ils écoutent, avec leurs oreilles et leurs corps, dans cette structure. […] Ainsi, je leur demande toujours d’être avec la musique, ou en face de la musique, jamais sur ou sous elle.”
À PROPOS DE MONTAGNE DORÉE (2019)
• ARTICLE DE GENEVIÈVE CHARRAS PARU LE 11/02/19 SUR LE SITE DE GENEVIÈVE CHARRAS
« MONTAGNE DORÉE » de Louis Barreau : Bach et Terpsichore en baskets !
“L’échapée belle !
Avec Félix Dalban-Moreynas (piano), Marion David et Thomas Regnier
« Deux danseurs tentent d’entrer en harmonie profonde avec les Variations Goldberg de J.S. Bach. Peu à peu, les corps à l’unisson s’allègent, s’émancipent de leurs affects, tentent de n’être plus que mouvements, formes et sensations. Propulsés en position d’observateurs de leurs propres émotions, les danseurs et le pianiste atteignent une qualité de lien qui les fait entrer dans une autre temporalité, celle d’un instant présent constamment renouvelé. Assis devant un paysage de gestes qui se fond dans l’architecture de la musique, chaque spectateur est invité à vivre par procuration cette expérience sensible, comme une ascension en trente variations. »
Que le jeu demeure !
C’est avec nonchalance et décontraction que démarre le duo homme-femme tout de blanc vêtus, baskets blanches aux pieds Virevoltes, roulades au sol, petits sauts piqués, relâchés, l’envolée commence, légère, futile, aérienne. Les directions bien engagées, versatiles, le haut et le bas inversé, quelques accélérés, bras tendus… C’est radieux et très « cunningham », droit ou les axes en péril, bras en arceau…Le duo progresse en intensité, déploie sa danse en spirale, enroulés, ralentis et contacts au sol, comme une balade, sautillante, joviale, lumineuse. Les éclairages varient d’une intime combine à de beaux pleins feux, maniés de main de maître par Françoise Michèle aux consoles !
Des variantes ludique égrènent les déplacements, très écrits et calculés, ramassés ou éclatés comme des atomes ou électrons libres. La musique live délire toutes ses savantes avancées, très maîtrisées, basse danse, précieuse et quasi baroque, perle rare et « racée », sophistiquée à l’envi. Moults phases diversifiées nourrissent le propos chorégraphique qui avance, jubilatoire : parfois de l’imperceptible, de petit bougé dans l’immobilité feinte ravivent l’écriture, syntaxe acrobatique sur les notes voltigeantes de Bach. Danser Bach est chose noble et fertile , savante et périlleuse, mais ici la performance des danseurs, plus d’une heure durant ne lasse pas et les contrepoints, croches et virtuosité musicale ne font qu’un !
Vivace et relevée, la danse s’empare de la musique pianistique en proximité salvatrice pour épouser la musicalité des corps dansant, franchissant les rives et dérives de Bach dans toute clarté et allégresse.
La danse transporte les sons, les dépose ou les emmène loin, très loin.
Le temps d’une pause, à l’écoute, allongés au sol les danseurs cessent de vibrer, puis reprennent avec allant, les transports amoureux de ses notes célestes.
Des échanges plus dynamiques se propagent entre les deux danseurs, souriants, généreux, haletants, respirant d’un souffle commun ces variations audacieuses. En miroir, en décalé ou à l’unisson, complices, ils se relèvent, gestes tranchés, en petits tours rapides, pieds flexs…Tout un vocabulaire ou abécédaire connu mais recomposé avec astuce et pertinence. Etirements, glissés, alors que les éclairages variables et sensibles magnifient et sculptent les corps mouvants.
Une partition chorégraphique, composition musicale stricte et volage à la fois, illumine tracés et déplacements. Des axes oscillants pour démarquer une certaine rigidité axiale. Le plexus solaire irradiant le tout, offert au regard et au rythme de la danse !
Penchés, renversés, tordus ou gracieusement projetés dans l’espace, les mouvements jaillissent comme la musique et Bach de se réjouir d’avoir trouvé complices à sa mesure sans fausse note ni fugue !”
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE THOMAS HAHN PARU LE 06/01/19 SUR LE SITE DE ARTISTIKREZO.COM
Faits d’Hiver : La danse sans limites (d’âge)
Variations Goldberg
« L’idée d’éclats chorégraphiques harmonieusement reliés porte aussi l’ascension de la Montagne Dorée de Louis Barreau, jeune chorégraphe qui suit, dans ce duo, le fil des Variations Goldberg de Bach : trente danses formant un « paysage de gestes ». »
À PROPOS DE BOLERO BOLERO BOLERO pour 1 performeur (2016)
• ARTICLE DE FANNY BRANCOURT PARU LE 12/10/17 SUR LE SITE THE ARTCHEMISTS – GENERATEUR D’ETINCELLES CULTURELLES
LES PLATEAUX DE LA BRIQUETERIE 2017 : BOLERO BOLERO BOLERO POUR 1 PERFORMEUR… LA RÉPÉTITION, CETTE FORCE INCOMMENSURABLE
“Vendredi ensoleillé – parvis de la Briqueterie : Les Plateaux battent leur plein tandis que Louis Barreau s’apprête à danser son boléro. BOLERO BOLERO BOLERO pour 1 performeur, est la version de ce chorégraphe, danseur et musicien formé au conservatoire de La Roche-sur-Yon. L’écriture chorégraphique de Louis Barreau émane avant toute chose de l’ostinato rythmique de la partition du Boléro de Ravel. Pendant près de 20 minutes, il va ainsi décliner sa phrase chorégraphique. À l’horizontale ou à la verticale, cette dernière s’inscrit et se développe dans l’espace avec une intensité grandissante. La composition de Ravel est tellement puissante que s’y confronter relève du défi. Louis Barreau nous propose donc une partition dansée s’appuyant parfaitement sur la musique et qu’il déplace de manière minutieuse, la faisant spiraler. La phrase chorégraphique répétée, accumulée, déplacée crée ainsi une figure fractale. Ce n’est alors plus le corps qui se meut mais la musique qui meut le corps et le transporte d’un espace à l’autre, d’une hauteur à une autre jusqu’à l’ultime ascension musicale.
BOLERO BOLERO BOLERO pour 1 performeur par l’ostinato rythmique sur lequel il s’appuie, déclenche rapidement différentes sensations, de puissance bien sûr, de révolte, d’acharnement, de combat, comme si la répétition donnait une force incommensurable. Ici, la force musicale prend toute la place. La danse de Louis Barreau est fluide et l’apparente tranquillité se transforme au fur et à mesure du morceau.”
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE MARIE PONS PARU LE 18/10/17 SUR LE SITE C’EST COMME CA QU’ON DANSE
UNE JOURNÉE AUX PLATEAUX DE LA BRIQUETERIE, PLATEFORME DANSE INTERNATIONALE
“Dans un costume coordonné jaune d’œuf, Louis Barreau entame en solo sa version du Boléro sur le parvis extérieur de la Briqueterie. Il s’engage doucement dans un déploiement du geste progressif, révèle par séquences répétées et déclinées les mouvements essentiels de cette œuvre majeure qui s’en trouve ici comme dégraissée jusqu’à l’os. C’est un Boléro par le moins, comme une ritournelle en construction dont les motifs se déplient à chaque mesure.
Formé en tant que chorégraphe, danseur et musicien le jeune Louis Barreau signe ici son premier solo. Le titre sonne comme une rengaine, comme s’il avait prévu le coup, encore un boléro ?! Il prend alors le parti d’aller vers le moindre régime, d’aller contre l’idée de climax obligatoire lorsque l’on s’attend à une relecture de la pièce sur la partition implacable de Ravel. Jusqu’à sauter sur place sans emphase lors du grand final, dans un mouvement singulier. »
• EXTRAIT DE L’ARTICLE DE GÉRARD MAYEN PARU EN 2016 SUR LE SITE DANSER CANAL HISTORIQUE
LES CHORÉGRAPHES SOUTENUS PAR LES PETITES SCÈNES OUVERTES
“Le Boléro mentionné en titre est bien celui de Ravel. On en sait la puissance référentielle, qui ne peut que capturer le mental du spectateur d’une pièce de danse qui convoque ce hit classique.
Louis Barreau se montre extrêmement savant pour développer une partition gestuelle évolutive et raffinée, au fil de la musique. Il en découle une pièce de folle élégance, parfaite sous tout rapport, miracle de netteté, de modulation et de conscience rythmique. »
Les photographies de cette page ont été prises par : Thibault Montamat/Didier Olivré (photos 1 à 6), Alexis Komenda (photo 7), Roger Fusciardi (photo 8).